Épisode 71 : Mamma mia!Épisode 71 : Mamma mia!
Épisode 71 : Mamma mia!

Italia, le pays de la mamma! À Bari précisément où je m'apprête à remonter la côte adriatique. Le Trenitalia qui me coûte une petite fortune me dépose à Rimini où toute la jeunesse italienne s'est à coup sûr donnée rendez-vous sur une plage noire de monde. Très peu pour moi. Je rejoins la République de San Marin située à une quinzaine de kilomètres. Il s'agit de la plus vieille république du monde. Au IVème siècle (301), les chrétiens persécutés par l'empereur Doclétien se sont réfugiés dans ce territoire montagneux et ont fondé une communauté de profanes et religieux sous la conduite du diacre Marin. Plus tard, le soutient de la papauté permettra à San Marin de garder son indépendance. Aujourd'hui, 32.000 personnes habitent la Cité-État. La République liliputienne (61 km²) a montré son aversion à toute politique d'expansion; d'ailleurs lorsque Napoléon Bonaparte reconnut sa souveraineté (et le Congrès de Vienne son indépendance), il proposa à l'état un accès à la mer. Soucieuse de développer une politique d'alliance et une diplomatie saine, elle refusa. Dans une lettre adressée aux deux Capitaines-Régents (qui font office de chefs d’État élus tous les 6 mois!), Abraham Lincoln alors président dira: « Votre État, bien que petit, est cependant l'un des plus honorables de toute l'histoire ».

Mon hostel, presque au milieu de nulle part est en fait assez proche du centre touristique, ce rocher impressionnant qui, le lendemain, sera plongé dans la brume matinale à la manière du Château dans le ciel de Miyazaki. Du haut de San Marin, ce joyau médiéval, le Mont Titano offre une splendide vue sur l'Adriatique d'un côté, la chaîne des Apennins de l'autre. Le Mont Titano perché à 750 mètres pourrait être le parfait décor pour un blockbuster hollywoodien: ces 3 tours (Xè-XIVè) pourraient parfaitement sortir de la fantasy(-ste imagination) de Tolkien, la montagne le Mont Othrys des Titans, le Donjon la demeure des Dragons! San Marin, une magistrale surprise donc, celle d'une farouche indépendance à l'écart de l'appétit des impérialismes européens. Pas de ressources naturelles? Ça aide disent avec justesse mes géniteurs! Car les ressources de ce pays sont le tourisme, la philatélie, l'agriculture et... les armureries bon dieu! Pas celles des États-Unis, rassurez-vous.

Je redescends tranquillement vers la côte puis le train m'emmène à Ravenne où j'étais venu bambino. La ville a quelques charmes, elle est une Divine Comédie surtout célèbre pour ses mosaïques absolument extraordinaires. L'intérieur du mausolée de l'impératrice Galla Placidia? De géniales mosaïques bibliques qui donnent à cet oratoire un parfum de mysticisme très émouvant. Pour qui apprécie l'art religieux, Ravenne, c'est the place to be! Papa, toi qui n'as que peu d'empathie pour les religions, tu devrais savoir qu'elles ont engendré de véritables chefs-d'œuvre. La ville est réputée pour ses monuments paléochrétiens et byzantins (basiliques de Saint-Vital, Sant'Appolinare nuovo) qui fournissent une documentation exceptionnelle sur le monde byzantin de Théodose Ier à Justinien. Le baptistère des Ariens, édifié par le roi des Ostrogoths Théodoric l'Amale au tournant des Vè et VIè siècles, est aussi un témoignage incroyable des croyances des Goths, qui comme d'autres peuples germaniques, avaient embrassé le christianisme sous la forme prêchée par Arius (IVè s.) et considérée comme hérétique. Ce théologien alexandrin d'origine berbère affirmait que si Dieu est divin, son Fils est d'abord humain même si disposant d'une part de divinité. Mon dieu, quelle audace, quel toupet, quelle horreur!!! Évêques adeptes d'un christianisme canonique décidé par le concile œcuménique de Nicée, combattez ces hérétiques et sortez donc vos chrismes! À la manière de L'Exorcisme bon dieu!

Je me rends devant l'impressionnant tombeau néoclassique de Dante Aligheri, ce florentin « père de la langue italienne » avec Pétrarque et Boccace. En visite en Italie, je me demande toujours comment ce pays, qui a connu une histoire extraordinaire, a pu sombrer dans cette décadence culturelle et économique. C'est Jared Diamond avec son Effondrement: lorsqu'une civilisation est à son summum, plus dure est la chute! La Rinascità est finie, mais ses joyaux architecturaux encore là: construite en l'honneur de Pie IV, la Fontaine Neptune avec à ses pieds 4 statues représentant le Gange, le Nil, l'Amazone, et le Danube (les fleuves des continents alors connus) est un exemple merveilleux. Des 180 tours médiévales, instruments de défense et de pouvoir des grandes familles bolognaises, il ne reste que les deux tours jumelles Garisenda et Asinelli, citée par Dante dans L'Enfer. Si belles...

Je me débrouille plutôt pas mal avec mon italien que je ne pratique jamais. Il faut bien, car l'Italie et l'anglais c'est un peu comme l'environnement et Dubaï... la cata! Merci à toi mama pour ces quelques mots d'italien ou ces chansons -militantes bien sûr- chantées avant le coucher. Au téléphone, Carlotta, mi piccolo amore qui fête ses 9 ans et se débrouille si bien avec les chansons italiennes m'apprend que « c'est moins cher de manger au resto tous les soirs »... Tiens donc, je note! Nouvelle ville, nouveau style: Bologne, l'exemple parfait de « l'extrême jeunesse de très vieilles villes ouvertes à tous les vents de la culture et des profits » (Braudel), est bien loin de Milan, la ville de la mode et du « je me la pète ». A Bologne, un peu calme pour l'époque car désertée par ses 100.000 étudiants, point de culte de l'apparence et de conservatisme. Bologna-Milano, un match du Calcio? Plutôt le Rouge et le Noir ou Les Damnés de Visconti: richesse, arrivisme, populisme en Lombardie, luttes sociales et politiques, communisme, études (elle abrite la plus vieille université occidentale depuis 1088) en Émilie-Romagne. La Rossa ou La Dotta est donc l'Italie que j'aime, l'inverse de la Mediaset, du culte d'une télé débilisante, de la marchandisation culturelle, du néofascisme de Berlusconi. Pendant les années de plomb, la ville, bastion du Parti communiste italien, fut le théâtre de nombreux mouvements contestataires (étudiants en 1977). Carolina, qui a passé 9 mois ici me raconte d'ailleurs que les manifestations étudiantes sont ici une institution. Le cœur de l'Italie n'est pas là, « il cuore dell'Italia è Napoli! » me dira ce cafetier. « Perchè? » La mamma l'a dit! Ah, si la madre l'a dit alors... Autour d'un bon ragù alla bolognese, je pense fort à toi Mirella. Sache qu'entre mes épopées milanaises, bergamasque, sicilienne, toscane, véronaise et romaines, je comprends toujours un peu plus tes racines. Ciao Bella Italia.

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