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Me voici dans la mythique Xi’an, la dernière cité qui clôt la Route de la Soie… Rien que ça ! J’arrive du sud du pays, le dos en compote par la faute des interminables heures d’un train plus qu’inconfortable. Voyager avec ce mode de transport en Chine, c’est quelque chose, presqu’une aventure burlesque. Seul mon dos, qui me fait de plus en plus souffrir, n’apprécie en rien cette « torture » ! Les couchettes, toujours pleines à cause des vacances scolaires et universitaires, me font choisir, par défaut rassurez-vous, de voyager sur une banquette dure comme une planche à pain. Au milieu de la valse des vendeurs ambulants, des joueurs de carte qui parlent à tue-tête et la clope au bec, mon espace-vital devient, au fil des heures, toujours plus restreint, étouffant et chargé en nicotine. Mal au dos et à la tête, mes vêtements qui puent le tabac froid, il est temps que ces 18 heures de voyage s’achèvent, car en vérité, je suis exténué par un trajet sans une once de sommeil. Allez savoir pourquoi… Mais, je m’y fais et c’est aussi pour ce genre de « défis » insolites que je voyage.

 

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Xi’an n’a clairement plus sa splendeur d’antan, celle qui la faisait passer pour une cité riche et prospère, chargée des milles trésors d’Orient, de myrrhe et d’encens. C’est aujourd’hui un carrefour, un lieu de passage souvent obligé entre les 4 points cardinaux d’un pays qui rentre chaque jour un peu plus dans les tentacules de la mondialisation. Le grand voyageur Bernard Ollivier avoue être déçu lorsqu’il y termine sa remarquable Longue Marche qu’il a commencé à Istanbul. Mais Xi’an, rien que par son nom et son histoire, attire une foule de touristes du monde entier. On y vient admirer l’armée enterrée de l’empereur Qin située à quelques kilomètres, la vieille tour de l’horloge, point névralgique de la cité ou l’impressionnant mur qui entoure la vieille ville. C’est un bonheur que de faire le tour de cette enceinte construite au XIVème siècle par la dynastie des Ming, en enfourchant un vieux vélo qui, à chaque pavé, souffre en même temps que mon derrière. Haute de 12 mètres, la muraille permet aisément de dominer les hutongs (anciennes rues et ruelles étroites) et de plonger dans la Chine ancienne. Mais, harassé par cet interminable périple, je ne rêve, au moment d’engloutir quelques agapes dans le quartier musulman, que d’un bon lit et du célébrissime mausolée de l’empereur Qin (IIIème siècle av. J-C). 8000 soldats en terre-cuite de près de 2 mètres de haut, tous uniques, ont pour mission de le protéger après la mort. Cette armée enterrée est un rêve d’enfant, né une matinée de mars lorsque je reçu 2 reproductions comme cadeau de ma grand-mère, au même titre que Samarkand ou Tombouctou. Le rêve devient réalité. Mais, en devenant adulte, je suis de plus en plus exigeant après avoir vu quelques fabuleux trésors de l’Humanité (Angkor, Petra, le Machu Picchu, Tikal, Pompéi…). Ainsi, je ressors des 3 fosses bien déçu et peu émerveillé. Le comble…

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Cette impression étrange de passer à côté d’une émotion forte, je la ressens également lors de la visite de la Cité interdite, pourtant colossale (elle compte 980 bâtiments sur 72 hectares entourés d'un mur de 10 mètres de haut), puis de l’un des segments de la Grande Muraille. J’aurais aimé assister au travail des 700.000 fonctionnaires qui ont bâti le mausolée ou me glisser dans la cour impériale chinoise, pourquoi pas celle de Pu Yi, Le Dernier Empereur de Bertolucci. Pourtant, la « longue muraille de dix mille li » (le li est une ancienne unité de longueur chinoise et dix mille symbolisant l’infini en chinois), comme la surnomme les Chinois, est assez impressionnante. L'administration d'État chargée du Patrimoine culturel l’a mesurée en 2009 : 8.851,8 km de long, dont 6.259,6 km de murs… Unique !

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Un bus de nuit très confortable me conduit à Chengde à 350 km au nord de Beijing (Pékin). Une guesthouse sympathique m’y attend. Accompagné d’un interprète, je file illico-presto soigner mon dos de plus en plus douloureux dans une boutique de Tui Na (massage traditionnel). Mon soigneur opte, en plus des massages, pour la technique des ventouses, censée stimuler la circulation de l’énergie et du sang… Une vingtaine d’heures plus tard, le résultat dépasse mes espérances, mes douleurs ont totalement disparu. Le Tui Na joue sur les 6 énergies du corps, le yin et le yang… Diablement efficace pour requinquer un voyageur ! Tout comme ces petites brochettes achetées dans la rue, toujours accompagnées de pain braisé aux épices et d’une bière régionale. À vrai dire, la cuisine chinoise recèle des goûts extraordinaires, entre celle des Ouighours musulmans, les dim sum du sud, ou celle de Beijing. Chengde est un peu le pays des extrêmes. La ville compte  en effet le plus grand parc impérial au monde et le plus grand palais… Par admiration pour le lamaïsme, l'empereur Qianlong des Qing a fait construire 8 temples imprégnés de culture tibétaine. La reproduction du Potola de Lhasa, palais des Dalaï-Lama, est tout à fait remarquable. Pour se concilier les faveurs des tribus non-hans (non chinoises) ralliées à la dynastie mandchoue, les inaugurations de temples ou palais coïncidaient souvent avec des actes symboliques d'ouverture vers la steppe mongole. Ainsi, les Qing ont accueilli le retour de 170.000 Turguts d'Asie centrale dans le giron chinois avec l'inauguration du Potola. J’en suis à présent convaincu : les civilisations chinoises ont été le terreau de formidables bâtisseurs, d’architectes de génie qui n’avaient rien à envier à ceux des immenses cathédrales de l’Occident médiéval.

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Il est temps de rejoindre l’un des derniers vieux hutongs d’une capitale, Beijing, qui est victime d'un processus d’urbanisation faisant disparaître les habitations traditionnelles au profit d'immeubles modernes. Les J.O. ont malheureusement accéléré ce processus. Je n’ai que quelques heures pour apprécier une ville multimillionnaire qui nécessiterait, à mon goût, quelques semaines pour la découvrir. J’en profite pour visiter le Water Cube (piscine olympique), manger, surtout manger de délicieux baozi (pains à la vapeur farcis) ou des jiǎozi, appelés mandu en Corée et gyōza au Japon. Il s’agit de raviolis cuits à la vapeur. Mais peu importe, car mon esprit est déjà dans les nuages d’Incheon et Séoul pour une deuxième visite prolongée de 3 semaines, toujours à la découverte du pays de miss Oh.

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